L’Égypte #4 : Comme en 1930…

Article à lire avec cette playlist jazzy ;-)

Vendredi 3 juin. On se lève avec un pincement au fond du cœur. Il ne reste plus que quelques kilomètres pour atteindre notre dernière étape sur le Nil : Assouan. Amir, le directeur du bateau a décidé de ralentir encore un peu plus le rythme de la croisière pour que l’on puisse profiter au maximum de ces derniers instants de navigation, le sourire au creux des lèvres.

On vit ces dernières heures sur le mythique Steam Ship Sudan en se laissant porter par les flots, par l’Histoire – et les histoires – qu’il transporte. Le bout de mes doigts frôle le bois chaud des coursives, je respire à plein poumons l’odeur du teck ciré, mes yeux fuient vers l’horizon…

Construit par Thomas Cook & Son en 1920, le Sudan a accueilli de nombreuses personnalités, dont la plus célèbre est sans doute Agatha Christie, qui s’est inspirée de ce bateau à vapeur pour écrire Mort sur le Nil. Resté à quai en mauvais état près de cinquante ans, rescapé et ré-aménagé par un tour operator allemand avant d’être laissé à l’abandon une nouvelle fois, c’est Voyageurs du Monde, qui, en 2000, l’a trouvé délabré dans un port, racheté et remis à flot, à l’authentique. Presque 100 ans après la construction du navire, les cabines portent désormais les noms des passagers les plus prestigieux, ou de personnages qui ont marqué l’Histoire de l’Égypte : La Reine Victoria, Hercule Poirot (le fameux enquêteur des romans d’Agatha Christie), Alexandre le Grand, Howard Carter, Champollion…

On prend plaisir à déambuler à l’ombre du pont supérieur ou à se prélasser dans les fauteuils club du salon d’époque avec un jus d’hibiscus et nous n’avons pas de mal à imaginer la vie ici, dans les années 1930. Les dames sous leurs ombrelles, les hommes, cheveux gominés et petite moustache, un verre de whisky à la main. Les bois, les cuivres et le mobilier sont d’époque et tout le reste a été si bien restauré que l’on fait un bond de géant dans le passé, on s’attend même à croiser la romancière et son mari archéologue à tout moment :-)

Merci à Anne pour la photo ci-dessus ♡

On profite aussi de ces dernières heures pour aller découvrir l’envers du décor. Le mécanicien est fier de nous montrer la salle des machines. S’il fait 44°C sur le pont, à l’intérieur, la chaudière aspire, chauffe et transforme en vapeur l’eau du Nil : c’est la fournaise ! Mon regard est happé par le mouvement continu des rouages qu’il faut huiler toutes les 30 minutes. Le ballet est hypnotique. Dans la cale, le chef cuisinier, le chef pâtissier et leurs équipes sont ravis de nous faire découvrir les plats qu’ils nous serviront à midi lors d’une barbecue organisé sur le pont supérieur. Derrière leurs sourires et leurs yeux pétillants, on sent tout le bonheur qu’ils ont à cuisiner pour nous chaque jour.

L’équipage adorable est aux petits soins. Chaque fois que nous rentrons d’excursion, le même rituel immuable nous attend : une serviette chaude pour les mains et le visage, une citronnade ou un jus d’hibiscus pour se rafraichir… Et c’est toujours avec le sourire et une bonne humeur communicative que Raoul se prend au jeu des selfies avec nous ♡♡♡

Après le déjeuner sur le pont du bateau, nous arrivons à Assouan pour notre dernière escale. Les paysages ont changé et on sent la fin du voyage approcher. Les palmeraies géantes et les montagnes désertiques ont laissé place à des paquebots de croisière alignés les uns aux autres à des hôtels à l’architecture horrible… Aïe aïe aïe, les bouches et les cœurs qui se tordent. Fort.

On file visiter le temple consacré à la déesse d’Isis, construit sur l’île de Philæ. Une histoire particulière entoure ce temple qui était les pieds dans l’eau depuis la construction du barrage d’Assouan en 1902 (vous pouvez voir les traces des inondations sur le premier pylône du temple), puis complètement submergé dans les années soixante. On visitait même le temple en barque ! Le projet de construction d’un plus grand barrage en 1972 alerte la communauté internationale : main dans la main, l’Égypte et l’Unesco décident de démonter les temples (en 40 000 morceaux !) et de les reconstruire pierre par pierre un peu plus loin, sur l’île d’Aguilkia (remodelée à l’identique de la première île et rebaptisée Philæ aussi, pour que ce soit plus pratique…).

Entouré de laurier et situé sur une île, le temple d’Isis a un petit quelque chose de magique lorsqu’on s’y approche en bateau, un petit quelque chose de romantique même. Les colonnes aux chapiteaux variés qui bordent la grande cour extérieure sont majestueuses, même si les décorations de certaines n’ont pas été terminées. Comme dans beaucoup de temples égyptiens, les chrétiens ont martelé les représentations, remplaçant même parfois les visages des divinités par des croix coptes. Malgré toutes ces histoires, le temple est aujourd’hui incroyablement bien conservé. Je me sens toute petite au milieu du kiosque de Trajan et une atmosphère sereine s’empare de moi lors de la visite, surement grâce à ces points de vue si apaisant sur le fleuve sacré et la végétation qui l’entoure…

Assouan est la dernière grande cité avant le lac Nasser, une ville frontière qui vit du tourisme et du commerce d’épices, de dattes et du granit. Mais nous ne sentirons pas son cœur battre au rythme des marchandages sur le souk. J’aurais aimé rester un peu plus longtemps et rapporter à la maison les épices qui font sa réputation, mais d’Assouan, nous ne verrons que la grande avenue qui nous mènera jusqu’à Philæ, bordée de charrettes de fruits au bord de la route et les sourires de ses habitants, même au travers la vitre du van… :)

Amir nous a organisé une petite sortie sur la rive ouest, pour un coucher du soleil dans le désert d’Assouan. La lumière de fin de journée est magnifique lorsque l’on monte dans ce bateau à moteur, mais nous arriverons trop tard pour le coucher du soleil. Tant pis, on grimpe tout de même en haut de la dune et même si ce n’est pas le grand désert comme on l’avait imaginé, voir les lumières de la ville s’allumer peu à peu et écouter l’appel à la prière de 19h, le vent chaud qui bat dans nos cheveux… c’était quand même pas mal ;-)

À notre retour sur le bateau, l’équipage nous a concocté un menu spécial années 30. Musique jazzy dans le salon, lumière tamisée, cocktails, mojito ou verres de vin pour trinquer à cette dernière soirée à bord, tous ensemble. Le cœur est lourd et pour nous réconforter, nos hôtes ont vu les choses en grand avec un menu clin d’œil aux repas servis à bord à la Belle Époque. Les plats sont délicieux mais c’est surtout la surprise à la fin de la soirée que l’on retiendra… Le capitaine nous remercie pour cette semaine à bord et une petite partie de l’équipage se met à chanter et danser pour nous. Leurs sourires sont vrais, leurs regards touchants. Pour eux, c’est aussi la dernière croisière de la saison avant les vacances et on sent bien qu’ils sont heureux de fêter ça ! Pfiou… frissons, bouche qui tremble et larmes impossibles à retenir tant l’émotion est forte dans la petite salle de restaurant…

On se réuni tous autour d’une dernière chicha sur le port, devant le navire, avant de rejoindre nos cabines pour une (très très) courte nuit. Le réveil à 3h30 est douloureux pour tout le monde et les au-revoir avec l’équipage et notre guide Khaled, lourds en émotions. Au petit matin, nous décollons d’Assouan pour notre dernière journée au Caire…

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… Mais je vous raconte ça dans un prochain article ♡

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Merci à Voyageurs du Monde, notre partenaire pour ce beau voyage…

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