Encore un week-end qui a filé trop vite. On a calé une date, attendu deux mois, roulé trois heures en direction de la mer et c’est sous le ciel gris que nous avons découvert Étretat, samedi matin, avant que la vague des estivaux ne débarque et n’inonde plages et falaises d’une marée noire. Nous étions venus ici il y’a quatre ans avec le barbu, en plein après-midi de juillet, en même temps que beaucoup d’autres vacanciers, et nous n’avions pas pu profiter du spectacle qu’Étretat peut nous offrir quand on est seuls face à son Aiguille, dans l’intimité la plus totale des éléments autour de nous.





D’abord le Vent, qui balaye en rafales nos cheveux emmêlés et brasse les bruyères, le fenouil sauvage et les herbes hautes asséchées par le sel. Au loin le ciel gris du matin se teinte peu à peu d’un bleu orage, juste au dessus de la mer. La mer plate, calme, basse et endormie. Pourtant au loin, on aperçoit la brise subtile qui fait se gondoler légèrement la surface de l’Eau, puis à l’approche des côtes, la fait danser en de courtes vagues qui se dissipent sur les galets. En prenant de la hauteur la palette s’intensifie. Le gris pâle se mue en anthracite profond, puis c’est tout un nuancier qui s’étire sous nos pieds. Bleu pétrole, marine, Lapis-Lazuli. Et quand un rayon de soleil frappe l’eau le camaïeu s’agrandi encore un peu : bleu bondi, sarcelle, bleu des Mers du sud.

Bleus normands.

 






Enfin la Terre, ces falaises mille-feuilles de calcaire et de silex. Debout depuis si longtemps qu’elles semblent éternelles mais pourtant si fragiles et vulnérables. La terre que la pluie infiltre, érode, fissure et détruit petit à petit, faisant s’écrouler des pans entiers de falaises, une centaine de mètres plus bas. Le silex qui s’échappe est lentement poli par l’eau salée en des millions de petits fragments, ces galets qui roulent sous chaque vague que la mer rapporte, dans un fracas mélodieux.

Le bruit des galets sous les flots, cette musique de la Normandie.

 



On a marché le long des falaises jusqu’à la Pointe de la Courtine, jusqu’à ne plus apercevoir l’arche creusée dans la roche et son aiguille, le regard attiré à l’ouest, par cette longue plage de galets, la lumière si claire et le phare au loin. On a vérifié les horaires de marée et on a décidé de faire le retour par la côte, pour enfin, comme j’en rêvais depuis longtemps, découvrir le plus beau point de vue (à mon sens) de cette côte d’Albâtre.



On se sent minuscules sous les hautes falaises écrasantes, mais ce n’est rien comparé au sentiment qui nous envahit lorsque l’on découvre l’alignement parfait de l’Aiguille dans la Manneporte, la troisième arche qui déchire la falaise. On est soufflées par la beauté du site, l’élégance de ce rocher majestueux façonné par la mer et les vents, qui sous le ciel gris s’enveloppe encore un peu plus du mystère qui l’entoure : Arsène Lupin y a-t-il vraiment caché le plus grand des trésors ?


On a à peine le temps d’en profiter, de s’inventer des histoires, qu’au loin les gardes-côte sonnent l’alarme, signe qu’il faut vite rentrer avant que la marée ne monte bloquant tout le monde sur la plage. On essaie de presser le pas sur les rochers recouverts d’algues avant de s’apercevoir qu’il faudra descendre 2m50 en rappel sur la paroi trempée et glissante, avec une corde trop courte. Quelques hésitations mais le clairon sonne à nouveau, faisant monter l’adrénaline : va-t-on rester coincées par la mer ? Je me lance en arrière, les pieds contre la paroi, la corde entre les mains, avant de glisser contre la roche sans rien contrôler. Pas le temps d’y penser que mes pieds s’enfoncent déjà dans les galets. Puis Camille tente un saut en avant en se pinçant le nez (un vieux réflexe de piscine ^^) – fou rire général – et Anne préfère la technique de la courte échelle. Nouvelle alarme, on a l’impression que l’on sonne le débarquement, la tension monte. On accélère le pas, mais marcher dans les galets, c’est comme essayer de courir dans un rêve : on a l’impression de tout donner et de pourtant faire du sur-place ! On passe l’arche, l’arrivée n’est plus très loin mais deuxième descente en rappel. Cette fois les prises sont plus marquées et les appuis plus sûrs, j’arrive en bas sans trop de difficulté avant de guider les copines. C’est soulagées et rouges écarlates que nous nous échouons sur la terrasse d’un bar, une bière pression entre les mains, la marée encore bien loin…

Je reviens vite pour la suite de ce week-end iodé, entre Fécamp et Yport ♡