Il est de ces semaines où le temps nous glisse entre les doigts sans que l’on puisse le retenir. Ces semaines lourdes, le corps au ralenti, où l’appli réveil indique chaque jour un peu plus de « dette de sommeil ». 7h de dette ce samedi soir.

Dimanche matin je referme les dernières pages du délicieux bouquin Wild de Cheryl Strayed et j’avais besoin d’un gros bol d’air. Une baguette, du fromage, une cramique et une tablette de chocolat noir dans un sac en toile et nous prenons la route direction la côte. Il le fallait. Plus les années passent, plus nous sommes obligés de pousser un peu plus loin, d’ajouter des kilomètres au compteur pour aller découvrir un petit coin de nature dans lequel nous n’avons pas encore mis les pieds. Nous avions envie d’autre chose que les jolies dunes sauvages de la Côte d’Opale ou de Belgique. En longeant la côte en partant du Nord, on découvre d’abord sur les Cap Blanc Nez & Gris Nez, puis sur la Baie de Somme. Oye-Plage, Escalles, Wissant, Ambleteuse, Camier, Le Crotoy, Saint-Valéry sur Somme, Ault… tout ça, nous connaissions déjà et la prochaine destination s’imposait donc facilement : les falaises de calcaire de Criel-sur-Mer. Après 2h30 de route, à la limite de la frontière picarde, nous voilà de retour en Normandie.



Avenue de la Falaise, Allée des Mouettes, Rue du Cormoran, le ton est donné lorsque nous cherchons où nous arrêter un peu avant Criel. À peine garés, les falaises nous écrasent de toute leur hauteur. Le ciel est gris, comme je l’aime, et la mer agitée a attiré quelques surfeurs en ce doux dimanche de février. Nous prenons le temps de manger avant de rejoindre Criel-sur-Mer par la plage. Les vagues font rouler les galets jusqu’à nos pieds et en se retirant, nous bercent de ce bruit si typique des côtes de Normandie, celui me plonge instantanément dans mes souvenirs de vacances avec mon amie d’enfance. Seulement le son de la mer, les cris des mouettes et ces falaises de calcaires hautes de leur quelques 106 mètres. En levant les yeux vers le sommet, j’ai été assaillie de la même impression de vertige que celle que j’avais ressentie la première fois face aux clochers de la Cathédrale de Chartres. Cette impression que la falaise tombait sur moi tout en s’éloignant rapidement. La mer est belle, sauvage, déchainée, grise et laiteuse, presqu’opaque à cause des sédiments de calcaire. Au loin, par endroits, des percées d’un bleu turquoise viennent colorer ce tableau en gris et blanc…





Aux abords de la falaise, des panneaux indiquent que la paroi est instable et qu’il ne faut pas en approcher. Un peu plus loin, un large morceau de terrain s’est dérobé jusque sur la plage, parsemant les galets gris de milliers petits fragments blancs et de blocs de calcaire. J’avais lu avant de partir qu’avec l’érosion, les falaises reculent ici de 23 cm en moyenne chaque année. C’est énorme, mais c’est tout en haut du Mont Joli-Bois que je prends réellement conscience de la beauté si fragile de cet endroit. En plein vent (alors que la mer en contrebas peint les mêmes tableaux que ceux de ma maman), je pense à tout ce qu’on détruit chaque jour un peu plus… Le temps a beau filer parfois trop vite dans notre petit quotidien, ces falaises elles, sont bien là depuis des milliers d’années. Mais pour combien de temps encore ? À l’Ouest, le soleil se reflète sur la mer et j’imagine les falaises d’Étretat en me promettant d’y retourner très vite et de prendre le temps de parcourir cette belle côte d’Albâtre…









La fin de journée approche doucement lorsque nous prenons le chemin du retour sous un ciel chargé, sombre, dramatique et aussi tourmenté qu’un Turner. Le soleil à a peine le temps de faire éclater ses derniers rayons dorés sur les galets humides, qu’un mur de nuages épais vient le couvrir de nouveau. Nous sommes, comme bien souvent, les derniers à partir de ce parking qui doit être bondé tout l’été, profitant de ces derniers infimes moments au grand air, remplissant nos poumons du vent salé jusqu’à la prochaine escapade côtière…

C’était un beau dimanche ♡



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Et vous, vous connaissez la Côte d’Albâtre ?