L’Égypte #2 : On dirait qu’on était des archéologues ?

Nous attendions (im)patiemment le départ du Steam Ship Sudan.

Il a levé l’ancre le mercredi 1er juin, après une matinée bien chargée.

5h00 du matin, l’équipage frappe à notre porte pour s’assurer que nous sommes bien réveillés. J’ouvre pour la première fois les rideaux de notre cabine sur le Nil et devant nous, des montgolfières s’élèvent au dessus de la Vallée de Rois dans la lumière rosée du petit matin… On contemple ce ballet au ralenti avant de descendre prendre le petit déjeuner, sauter dans un bateau et traverser le Nil pour rejoindre la rive ouest, le royaume de l’Occident (le monde des morts où le défunt est accueilli par Osiris), face à Thèbes.  Au programme de la matinée : retomber en enfance en s’imaginant être Howard Carter qui découvre la tombe de Toutankhamon…

« D’abord, je ne vis rien ; l’air chaud qui échappait de la chambre faisait clignoter la flamme de la bougie. Puis, à mesure que mes yeux s’accoutumaient à l’obscurité, des formes se dessinèrent lentement : d’étranges animaux, des statues, et, partout, le scintillement de l’or. Pendant quelques secondes – qui durent sembler une éternité à mes compagnons – je restai muet de stupeur. »

Sur la route pour la Vallée des Reines, on aperçoit les Égyptiens vivre et travailler dans les plantations de canne à sucre, les champs de céréales ou les vergers, les commerçants au bord des routes, leur charrettes de fruits ou de pain posées là, les boucheries presque à ciel ouvert, les (très) jeunes ados à trois sur des mobylettes et la plupart des boutiques de souvenirs, à approche des points d’intérêts touristiques, fermées… Les marchands viennent nous voir, ne nous lâchent pas d’une semelle pour nous vendre papyrus ou statuettes de sphinx en marbre made in China, des foulards, des djellabas… On s’arrête aussi quelques minutes devant le petit village de Gourna, perché dans la montagne thébaine. Les murs ocres, jaunes, beiges, bleus ciel se confondent avec la roche sèche, c’est beau…

La Vallée des Reines (la nécropole des épouses ou des enfants des pharaons) est située au creux de la montagne. Près de 80 tombeaux ont été découverts jusqu’aujourd’hui. Nous en visiteront trois, les tombes de deux des jeunes fils de Ramses III et celui de la reine Tyti. Les murs sont tous recouverts de fresques en bas reliefs peints et en excellent état. Les plafonds eux, peints en bleu roi et parsemés d’étoiles…Un privilège de pouvoir découvrir ces lieux de si près.

Troisième étape de la journée, la Vallée des Nobles. Il n’est que 9h30 et la chaleur nous met vite KO, on a l’impression d’être déjà en fin d’après-midi… Le paysage dans lequel est niché cette vallée est aride. Pendant longtemps, des habitations colorées du village Cheikh Abd el-Gournah faisaient partie du paysage. Les maisons ont été construites sur la nécropole et les tombeaux servaient parfois de cave ou de d’étables !  Pour préserver les tombes des infiltrations d’eau et du pillage, le village a été rasé en 2010, mais les ruines des maisons & les ouvertures des tombes à flanc de montagne sont visibles de loin, apportant au paysage une atmosphère mystérieuse…

La tombe de Ramosê, vizir et gouverneur de la ville de Thèbes, surprend par la taille de son vestibule – beaucoup plus vaste que les tombes des propres fils de Ramsès III -, les imposantes colonnes et les magnifiques bas reliefs sculptés dans les blocs de calcaire avec précision, la lumière si particulière ainsi que les pans de murs inachevés, qui portent encore les traces du quadrillage de construction des dessins. J’avais envie de passer mes doigts sur ses bas reliefs pour saisir toute la finesse et la régularité qu’il a fallu pour sculpter ces portraits si raffinés…

On termine cette matinée par la Vallée des Rois… Je n’avais jamais osé imaginer à quoi pouvait ressembler cet endroit mythique de l’Égypte antique. À notre arrivée, une haute montagne pyramidale surplombe la vallée de ses 470m. On prend un petit train pour monter les quelques mètres qui nous séparent de l’entrée de la vallée sacrée, appareils photos au fond des sacs. Les photos sont interdites, pour que les flashs ne détériorent pas les couleurs des tombeaux (mais contre un bakchiche au gardien on a pu y remédier… sans flashs, évidemment !). La vallée est en plein soleil, l’air est sec et le moindre recoin d’ombre est le bienvenu. Mais c’est grandiose. Une longue allée blanche dessert à gauche et à droite les entrées des 64 tombeaux découverts jusqu’aujourd’hui. Seulement quelques uns sont ouverts au public en même temps pour éviter leur altération et permettre la restauration des tombes fermées. Les falaises sont gigantesques, taillées dans une roche calcaire qui semble s’effriter.

Nous montons un long escalier en métal pour accéder à l’entrée du tombeau de Thoutmosis III, nichée dans une gorge étroite à 10 m de hauteur. Puis l’on redescend par un couloir creusé dans la roche, on se courbe pour traverser la passerelle qui passe au dessus d’un puit sacré profond et débouche sur un vestibule décoré avec des scènes peintes. Mais la chambre funéraire et le sarcophage sont cachés en contrebas, il faut emprunter, en se courbant, un deuxième petit escalier, qui descend pour y accéder. Ça y’est, j’ai l’impression d’être un archéologue ! C’est l’image exacte que j’avais d’un tombeau de pharaon : des couloirs étroits et labyrinthiques censés protéger des inondations et des pillages, la roche creusée, les ornements partout autour, il ne manque plus que le trésor et la momie à l’intérieur de la chambre funéraire et on était bon ! C’est drôle de ressentir son imaginaire d’enfant coller de près à la réalité :) Ici le décor de la chambre est différent des autres tombeaux découverts jusqu’à présent. Les murs sont peints et recouverts des récits du livre de l’Amdouat, comme un papyrus géant. C’est intéressant de pouvoir comparer les différentes techniques d’ornementations d’un temple à un autre, mais les décors qui me marqueront le plus, seront ces hiéroglyphes colorés qui s’étendent sur des pans entier de murs de la tombe de Siptah. Comme c’est beau de voir que les couleurs sont si éclatantes, des milliers d’années après !

Le cœur qui palpite encore d’avoir vu tout ça de nos propres yeux, le corps fatigué par la chaleur (et les estomacs tiraillés d’avoir petit déjeuné à 5h30), nous rentrons sur le Sudan pour une longue journée de navigation. On l’attendait ce fameux départ du Sudan. L’instant où les hélices se mettent en route, où tout le monde passe le nez au dessus des coursives ou par la fenêtre de sa cabine, pour regarder le bateau s’éloigner doucement, tout doucement de Louxor.

Amir, le directeur du Steam Ship Sudan, attend notre retour avec son équipe :)

8h de navigation nous attendent pour rejoindre notre prochaine étape, Edfou. Près de 100km, en 8h, à 8,5km/h (10 au plus rapide), sous 44°C sur le pont. Une après-midi entière pour prendre le temps de griffonner les récaps du jour dans un carnet, installée sur la coursive. Et quand le soleil est trop fort à tribord, je file à babord pour profiter de l’ombre… Une après-midi entière, surtout, pour prendre le temps de vivre et se se laisser porter par les flots, le regard scrutant chaque détail du paysage.

Sur le pont la vue est panoramique. Nos yeux grands ouverts balayent le paysage de droite à gauche, de gauche à droite. On fait le tour du Sudan, sans savoir où se poser tellement chaque point de vue est magnifique. Je n’ose pas fermer les yeux. Je ne veux pas en perdre une seule petite miette…

On contemple les deux berges du Nil en un seul regard. On observe le ballet des journées des habitants le long du fleuve : les enfants qui jouent dans l’eau et qui, à notre passage, nous crient de toute leur force des « hellooooo » souriants, ceux qui courent sur la berge essayant de rattraper le bateau, les buffles qui font trempette, les ânes cachés à l’ombre des palmiers, les barques de pécheurs et celles des fermiers. Les silhouettes des hommes dans leur jilbab et celle des femmes en niqab. Au milieu d’une palmeraie ou d’un village se dresse un minaret. On le voit de loin. Nos journées sont rythmées par les adhan, les appels à la prière, 5 fois par jour. Je me surprends à les écouter, vraiment, calmement, en respirant… les yeux fixés sur ce phare. Je veux vivre ce voyage à travers tous mes sens.

On glisse lentement sur l’eau et la vie des égyptiens semble si paisible, elle aussi. Les paysages sont majestueux, luxuriants sur les berges et désertiques en arrière plan, les villages parsèment l’horizon, la lumière vient rougir la montagne et le pont en teck change de couleur au coucher du soleil… Le tableau que nous offre la nature est beau, tellement réjouissant…

16h… On se retrouve tous à l’ombre des toiles sur le pont. L’équipage est aux petits soins et nous a préparé un thé à la menthe avec des pâtisseries orientales. Le capitaine est heureux de nous montrer sa cabine et de se faire tirer le portrait. Plus tard, on observera sa concentration sans failles lors du passage de l’écluse d’Esna, son regard et ses gestes précis, les instructions échangées à son équipage en arabe. Une petite barque profite de notre arrivée pour passer l’écluse, un gamin suit le bateau, quelques habitants d’Esna sont sur le quais, certains venant aider l’équipage pour stabiliser le bateau bien dans l’axe de l’écluse. Le passage est serré. Mais l’opération semble bien réglée, presque chorégraphiée.

Après le cocktail organisé par le directeur du bateau, on file retrouver nos lits douillets, alors qu’au cœur du bateau, l’équipage continue de huiler les engrenages toutes les 30 minutes, pour que, demain matin, nous nous réveillions à Edfou…

Rendez-vous tout bientôt pour la suite ♡

Et en attendant, on se retrouve sur facebook, j’ai quelques vues à 360° à vous partager, c’est (presque) comme si on y était !

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Merci à Voyageurs du Monde, notre partenaire pour ce beau voyage…

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